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Stella Adjokê

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Voyage à Puvirnituq : vers la lucidité du monde Québécois

Il m’a fallu me rendre jusqu’à Puvirnituq pour me rendre compte que la neige était quelque chose de sublime. Ici, dans un village construit au milieu d’un désert de kilomètres de cette beauté qui s’impose.  Ces endroits au milieu de la neige, des milliers de personnes réparties dans des villages, tout au nord, qu’aucune route ne relie, c’est aussi cela notre beau territoire « Québécois ».

À Puvirnituq il n’y a pas d’eau courante, comme dans la plupart des villages du nord, un système de barils accrochés aux maisons que des gens viennent remplir quotidiennement, permet à l’eau de couler des robinets.  C’est étrange combien on prend conscience de l’importance de quelque chose lorsque l’on sait que cette chose n’est pas inépuisable. J’ai la chance de vivre qu’avec une seule personne dans ma maison. Nous faisons attention de ne pas prendre des douches trop longues et de limité la quantité d’eau qu’on utilise pour laver la vaisselle ou tirer la chasse des toilettes. Je ne sais pas comment les familles Inuits qui vivent parfois plus de 15 personnes dans une maison arrivent à ne pas manquer d’eau.  L’hôpital nous conseille de faire bouillir l’eau avant de la boire afin d’éviter que certains microbes se transforment en maladies désagréables. Les dernières semaines me fond réaliser encore combien l’eau potable est inestimable à nos vies. À chaque fois que je ressens cette merveille descendre fraichement dans ma gorge ou chaudement sur le long de mon corps, je ressens cette chance d’avoir de l’eau en abondance. La dernière fois que j’ai ressenti cette profonde sensation,  j’étais dans un village au Mali (Diorila) sans eau et électricité, ou en province d’Haiti (Leogane), sans eau et électricité, et maintenant ici dans ce village nord-américain (Puvirnituq), sans eau courante.

Les parallèles qu’il m’est possible de faire entre ces villages sont frappants. Des villages éloignés et isolés qui laissent aux enfants la liberté de jouer librement dans la rue, cette  proximité entre les gens, l’anonymat impossible à vivre car tout le monde voit et sait tout, toutes ces personnes étrangères  qui viennent travailler armées de leur différents diplômes dans le but de soigner, loger ou éduquer ces différentes communautés ravagée, trop souvent, par la pauvreté matérielle ou l’injustice d’être sous-évaluée. Une multitude d’ONG et d’organismes gouvernementaux qui par leurs différents programmes ont la prétension de se rapprocher de ces communautés «sous développées» pour les aider à être «autonomes» et à mieux évoluer. Je racontais cela à mon copain haïtien ou à mon ami béninois et tous deux comprenaient sans que j’aille à trop expliquer la réalité d’ici, alors que celle-ci semblait bien étrangère à plusieurs Montréalais surpris d’apprendre qu’encore plusieurs de leurs co-citoyenNEs n’avaient toujours pas accès à l’eau courante et potable de la même manière qu’eux.  L’idée de ce Québec égal pour tous est une utopie, aussi bien que l’illusion que la corruption n’existe que sur le continent Africain ou en terre d’Haïti. Il faut un système corrompu mondialement pour priver encore aujourd’hui des familles entières de leur accès à l’eau et à des aliments frais (à la base, offert gracieusement par notre terre mère). Ici le casseau de raisins est à 10.99$ et le 2L de jus d’orange à 20$. Par contre, les Mr Noodles sont à 0.50$.

Je ne comprends pas ces politiciens qui gaspillent nos fonds publics pour mieux nous dire qu’ils ne peuvent rien faire de plus que laisser libre cours à l’économie, plutôt que, l’eau à boire. Surtout pas quand nous avons marché sur la lune, découvert pleins d’autres planètes, inventer l’intelligence artificielle, créer des robots qui vivent plus d’émotions et de sensations, ou réussi depuis des décennies, à amener dans tous ces coins isolés et éloignés du monde, la machinerie nécessaire pour extraire l’or et les autres minéraux précieux de ces mêmes endroits où la population n’a toujours pas accès à l’eau courante.  Je ne comprends pas. En ce moment, ce que je comprends, c’est que la politique et l’économie ne veulent rien faire de plus… Car ce sont bien ces iniquités qui maintiennent la richesse de certains, et l’impuissance des autres. 

Le Nunavik affiche le pire taux de diplomation dans tout le Québec. Pourtant il n’y a qu’ici que j’ai rencontré des enfants capables de chasser et pêcher pour nourrir leur village, ou des jeunes filles capables de confectionner mitaines, parka et bottes en peau de phoque (Mukluk) pour se garder au chaud, même à -50. C’est ici, aussi,  que j’entends des enfants s’exprimer en deux langues secondes  en plus de leur langue maternelle. Dommage qu’ils ne reçoivent aucun diplôme pour leur manière très intelligente de s’adapter à la vie. Moi qui suis bien diplômée, je ne sais pas confectionner mes vêtements pour me tenir au chaud, ni chasser pour me nourrir. J’ai appris que pour vivre, il me fallait un ou plusieurs diplômes pour ainsi décrocher un meilleur emploi qui me permettrait de gagner de l’argent et acheter tout ce dont j’ai besoin dans un magasin…

Je rêve de ce monde où le génie humain aura dépassé la croyance que l’intelligence se résume à s’assoir calmement sur une chaise, afin de mieux assimiler ce qu’on a décidé de raconter globalement à toute une société. Je crois qu’il est réellement temps de VIVRE nos différentes formes d’intelligences sur cette terre, plutôt que de chercher sans cesse à les mesurer et à les hiérarchiser sur papier. Restreindre toutes ces personnes qui n’expriment pas leur intelligence de la  même manière que le système dominant, empêche tous ces êtres de vivre leur intelligence, et ce de manière définitive. C’est un crime grave, autant que celui de priver un être de son accès à l’eau potable et à des aliments frais.  

Dans notre système économique actuel,  à force de se croire intelligent, l’humain ne voit même plus qu’il est imbécile quand il croit posséder la terre, le monde et tout le reste; il jette aux poubelles sa nourriture invendue et chie dans son eau potable, en nous disant intelligemment qu’il ne peut rien faire de plus…

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Monday 12.10.18
Posted by Stella Adjokê
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